A 10h26 Le Crossa Etel nous engage pour recherches et sauvetage.
C’est une heure à laquelle ça commence à se compliquer au niveau de la circulation, les vélos, les passages piétons les sorties de parking ralentissent l’accès au port.
Il ne s’agirait pas de faire un accident alors que nous filons bon train désaccidenter l’improbable.
Se hâter lentement mais pas trop doucement pour se hâter quand même avec ce coeur en stress et la tête qui bouillonne d’images qu’on souhaiterait plus joyeuses pour un Dimanche matin…
Un avion, combien sont ils dedans? Qu’est ce qu’on va trouver??
A t-il percuté a t-il glissé, a t-il sanci, flotte t-il?
Combien sont ils là dedans?
Flotte t-il encore?
Allez avance s’il te plait laisse nous passer y’a urgence!!!
A 10h37, malgré la circulation déjà dense nous avons rejoint la vedette et nous appareillons du port de Saint Martin.
Les deux radios VHF parlent, nous parlent, et parlent à d’autres. Le Cross coordonne aux pompiers à l’hélico, à un voilier qui est sur zone, à nous.
C’est branle bas de combat !
Trois d’entre nous s’équipent de leurs combinaisons de plongée en se cognant la tête au plafond dans un dur clapot de Nord est.
Nous filons 32 noeuds. On a mis tous les watts depuis le ponton y’a pas le choix…
Qu’est ce qu’on va trouver, allez on respire on révise on flanche pas…
On a déjà fait un avion avec une fin heureuse il y a trois ans alors on révise ce que nous avions fait, on veut les mêmes gestes sauf que là on apprend à l’instant que l’avion a sanci, il a fait cul par dessus tête à l’amerrissage…
Il est à l’envers!!!
On s’en fout on f’ra tout nous on veut la même fin pour que ce Dimanche soit heureux.
Il y a seize minutes pile que l’avion a percuté, nous indiquons au Crossa un ETA de six minutes pour être sur la zone. Mer de côté ça tangue et ça se cogne dur de partout pour enfiler les combars. Elle est en tôle la vedette, bobo! chacun tient son pote et se tient comme il peut mais pas question de mollir.
Six minutes…
On a beau réviser dérouler le Retex d’il y a trois ans on sait qu’un avion ça ne flotte pas…
Or six minutes ce sont 360 secondes…
Une seconde c’est le temps du robinet pour remplir ton verre à boire, mais là bas c’est pas la même cuisine, y’a pas le même robinet et pas la moindre vanne pour stopper les fuites, ça rentre de partout, par l’échappement le train les portières.
Et les hublots après le choc dans quel état sont ils?
Alors pour toutes ces raisons nous allons arrêter le temps…
Ainsi, les secondes ne coulent plus et n’embarqueront plus dans leur flot la mer dans cette machine tombée du ciel.
Les vannes vont maintenant faire front au désastre.
Notre souffle est coupé à l’écoute du flux.
Plus une goutte jusqu’à notre arrivée, dans …4 minutes.
Tu dois flotter pour qu’on aille les chercher, debreller leurs ceintures et…
Tu dois flotter!
C’est un ordre !!
Nous sommes à 3 minutes du lieu du crash…
La radio parle…
Une bonne, une très bonne nouvelle…
« Le pilote était seul à bord de l’avion. »
Lui seul a pu indiquer cette information, c’est donc qu’il parle!!!
S’il parle, il vit !!!!!
« Il est sain est sauf » nous informe le Cross.
Il vient d’être récupéré à bord du voilier Yséo en promenade dominicale.
La radio parle à nouveau…
Mauvaise nouvelle cette fois ci mais elle a peu d’importance au regard de la précédente.
« L’avion a coulé! »
Ces fichus secondes ne s’étaient donc pas arrêtées, les vannes étaient restées ouvertes…
Quel ingrat ce temps… Ne jamais lui faire confiance, ne plus lui parler, il passe il court il coule et il coule les hommes.
`
10h46, Nous sommes au contact du voilier Yséo. Après nous être amarrés sur son tribord trois d’entre nous prennent immédiatement en charge le pilote pour un bilan médical.
L’homme est profondément choqué en état de stress.
Malgré le peu de temps passé dans la mer il est en état d’hypothermie et la sat a chuté à 93.
Nous le transbordons sur la vedette à l’abri de sa cabine et nous occupons de remettre les constantes à niveau avant de faire route au port où l’attendent les pompiers.
Peu à peu il reprend pied, toujours très choqué, mais il nous semble voir naître une amorce de sourire sur son visage lorsque nous lui tendons notre téléphone dans lequel résonne la voix de sa femme.
Nous faisons route petite vitesse, alors il nous raconte son histoire…
Et quelle histoire….
Saint Exupéry nous fait l’honneur d’être à notre bord.
Sain et sauf!
Hasard, destin, chance, malchance ou… Probabilités…
Lui s’est donné un joli petit nom: « Miraculé »
Quel beau Dimanche!