Un avion s'écrase en mer au large de La Flotte.

22 minutes, il nous aura fallu 22 minutes après l’ap­pel du Cross Etel pour être sur le lieu du crash. C’est un temps record car nous étions tous dans nos maisons à pares­ser notre Diman­che… Mais 22 minutes c’est encore trop quand on connait la déter­mi­na­tion de l’eau à remplir les vides… A 10h24 un navire signale le Crash d’un avion au large de la Flotte en Ré.


A 10h26 Le Crossa Etel nous engage pour recherches et sauve­tage.
C’est une heure à laquelle ça commence à se compliquer au niveau de la circu­la­tion, les vélos, les passages piétons les sorties de parking ralen­tissent l’ac­cès au port.
Il ne s’agi­rait pas de faire un acci­dent alors que nous filons bon train désac­ci­den­ter l’im­pro­bable.
Se hâter lente­ment mais pas trop douce­ment pour se hâter quand même avec ce coeur en stress et la tête qui bouillonne d’images qu’on souhai­te­rait plus joyeuses pour un Dimanche matin…

Un avion, combien sont ils dedans? Qu’est ce qu’on va trou­ver??
A t-il percuté a t-il glissé, a t-il sanci, flotte t-il?
Combien sont ils là dedans?
Flotte t-il encore?
Allez avance s’il te plait laisse nous passer y’a urgence!!!

A 10h37, malgré la circu­la­tion déjà dense nous avons rejoint la vedette et nous appa­reillons du port de Saint Martin.
Les deux radios VHF parlent, nous parlent, et parlent à d’autres. Le Cross coor­donne aux pompiers à l’hé­lico, à un voilier qui est sur zone, à nous.
C’est branle bas de combat !
Trois d’entre nous s’équipent de leurs combi­nai­sons de plon­gée en se cognant la tête au plafond dans un dur clapot de Nord est.
Nous filons 32 noeuds. On a mis tous les watts depuis le ponton y’a pas le choix…
Qu’est ce qu’on va trou­ver, allez on respire on révise on flanche pas…
On a déjà fait un avion avec une fin heureuse il y a trois ans alors on révise ce que nous avions fait, on veut les mêmes gestes sauf que là on apprend à l’ins­tant que l’avion a sanci, il a fait cul par dessus tête à l’amer­ris­sa­ge…
Il est à l’en­vers!!!
On s’en fout on f’ra tout nous on veut la même fin pour que ce Dimanche soit heureux.
Il y a seize minutes pile que l’avion a percuté, nous indiquons au Crossa un ETA de six minutes pour être sur la zone. Mer de côté ça tangue et ça se cogne dur de partout pour enfi­ler les combars. Elle est en tôle la vedette, bobo! chacun tient son pote et se tient comme il peut mais pas ques­tion de mollir.
Six minu­tes…
On a beau révi­ser dérou­ler le Retex d’il y a trois ans on sait qu’un avion ça ne flotte pas…
Or six minutes ce sont 360 secon­des…
Une seconde c’est le temps du robi­net pour remplir ton verre à boire, mais là bas c’est pas la même cuisine, y’a pas le même robi­net et pas la moindre vanne pour stop­per les fuites, ça rentre de partout, par l’échap­pe­ment le train les portières.
Et les hublots après le choc dans quel état sont ils?
Alors pour toutes ces raisons nous allons arrê­ter le temps…
Ainsi, les secondes ne coulent plus et n’em­barque­ront plus dans leur flot la mer dans cette machine tombée du ciel.
Les vannes vont main­te­nant faire front au désastre.
Notre souffle est coupé à l’écoute du flux.
Plus une goutte jusqu’à notre arri­vée, dans …4 minutes.
Tu dois flot­ter pour qu’on aille les cher­cher, debrel­ler leurs cein­tures et…
Tu dois flot­ter!
C’est un ordre !!

Nous sommes à 3 minutes du lieu du crash…
La radio parle…
Une bonne, une très bonne nouvel­le…

« Le pilote était seul à bord de l’avion. »
Lui seul a pu indiquer cette infor­ma­tion, c’est donc qu’il parle!!!
S’il parle, il vit !!!!!
« Il est sain est sauf » nous informe le Cross.
Il vient d’être récu­péré à bord du voilier Yséo en prome­nade domi­ni­cale.

La radio parle à nouveau…
Mauvaise nouvelle cette fois ci mais elle a peu d’im­por­tance au regard de la précé­dente.
« L’avion a coulé! »
Ces fichus secondes ne s’étaient donc pas arrê­tées, les vannes étaient restées ouver­tes…
Quel ingrat ce temps… Ne jamais lui faire confiance, ne plus lui parler, il passe il court il coule et il coule les hommes.
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10h46, Nous sommes au contact du voilier Yséo. Après nous être amar­rés sur son tribord trois d’entre nous prennent immé­dia­te­ment en charge le pilote pour un bilan médi­cal.
L’homme est profon­dé­ment choqué en état de stress.
Malgré le peu de temps passé dans la mer il est en état d’hy­po­ther­mie et la sat a chuté à 93.
Nous le trans­bor­dons sur la vedette à l’abri de sa cabine et nous occu­pons de remettre les constantes à niveau avant de faire route au port où l’at­tendent les pompiers.
Peu à peu il reprend pied, toujours très choqué, mais il nous semble voir naître une amorce de sourire sur son visage lorsque nous lui tendons notre télé­phone dans lequel résonne la voix de sa femme.
Nous faisons route petite vitesse, alors il nous raconte son histoi­re…
Et quelle histoi­re….
Saint Exupéry nous fait l’hon­neur d’être à notre bord.
Sain et sauf!

Hasard, destin, chance, malchance ou… Proba­bi­li­tés…
Lui s’est donné un joli petit nom: «  Mira­culé »

Quel beau Dimanche!